6/1970.

An Charlotte von Stein

[Brunswic, ce 18. d'Août.]

Voiant ces caracteres barbares etrangers a mon coeur ce fut un tout nouveau sentiment pour moi, ces Vous me faisoit trembler et ie tournai vite la feuille pour Voir s'il ny avoit pas un mot de la langue cherie qui m'est devenue tous les jours plus [337] chere par les expressions du veritable sentiment d'ont tu l'enrichis. O ma chere il m'est presque impossible de poursuivre ce jeu, ma plume n'obeit qu'a regret, et ce n'est qu'avec peine que je traduis, que je travestis les sentiments originaux de mon coeur. Je ne sens mon existence que par toi, tu m'as appris a aimer moimeme, tu m'as donné une patrie, une langue, un stile, et je finirois par t'ecrire des phrases. Mon amie cela ne se peut pas. Cependant ie poursuivrai car si jamais ie pourrai apprendre cette langue que tout le monde croit scavoir ce sera par toi et ie serai bien aise de te devoir aussi ce talent comme ie te dois tant de choses qui valent beaucoup mieux.

Apres avoir gravi les montagnes nous voila descendus sur le parquet de la cour. Je m'y trouve tres bien, je m'amuse meme parceque j'y existe sans pretentions sans desirs et parceque tant de nouveaux objets me font faire mille reflexions.

De son coté notre bon Duc s'ennuie terriblement, il cherche un interet, il n'y voudroit pas etre pour rien, la marche tres bien mesurée de tout ce qu'on fait ici le gene, il faut qu'il renonce a sa chere pipe et une fee ne pourroit lui rendre un service plus agreable qu'en changeant ce palais dans une cabanne de charbonnier.

En verité je le plains. Dans la foule des courtisans et des etrangers nous autres nous trouvons [338] toujours quelqun avec qui parler de choses interessantes, pour lui il faut qu'il soit toujours avec les Altesses royales qui lui font des demandes aux qu'elles il ne sait que repondre il s'en tire tant bien que mal, il se boutonne et finit par etre mal a son aise. De l'autre coté le Duc de Brunswic se communique tres peu il a les meilleures façons du monde mais aussi ce ne sont que des façons, et je suis tres curieux comme cela finira.

Que je suis heureux ma chere Lotte de voir toutes ces choses avec l'idee de pouvoir te racconter tout a mon retour, qu'il est aisé de vivre dans le monde quand on ne pretend rien.

Adieu pour cette fois. Nous avons vu un Opera, la Cour rassemblee, et nous aurons aujourdhuj redoute. Adien jusqu'a demain.


ce 19. [et 20.] d'Aout.

Je suis resteé longtemps a la redoute, sans danser plus que deux contredanses avec les Dames d'honneur le reste du tems s'est ecoulé a causer et a dire des riens sur rien. La decoration de la salle etoit asses brillante c'etoit la vielle salle d'opera bien eclairee. On voit partout que le Duc est un homme sage qui scait profiter de tout, meme des folies de ses ancetres ce qui n'est pas toujours bien faisable. J'admire sa prudence et sa conduite en tout ce que je puis voir et penetrer. Surement il a de grandes choses en [339] tete et il est homme a parvenir a son but. On ne voit rien de superflu ni d'arbitraire, ni d'inutile, quand je serai de retour je te peindrai tout le detail que j'ai pu voir. Quelquefois il me prend la fantaisie de t'ecrire une relation dans le gout du Johannes Eremita, mais je n'ai pas le tems, et il n'est pas bon que certaines choses soit ecrites.

Pour moi je puis etre tres content de la façon dont on me traite. J'ai appris a etre sur mes gardes, a observer les gens sans faire semblant de rien, un talent que je tache de perfectionner tous les jours.

Charles est ici, il a grandi. C'est un garçon tres bien fait, il parle bien et paroit tres sensé. Il resemblera a son pere, i'ai en beaucoup de joie a le voir.

Il faut que je te communique encore un reflexion que j'ai fait depuis longtems mais que je vois se confirmer touts les jours, c'est qu'il est tres aisé d'exister incognito dans le monde. Chaq'un se fait une idee de Vous sans se soucier beaucoup si elle est vraie ou fausse. Chaqun est occupé de soi meme et si Vous alles nn peu doucement Vons pouves faire ce que Vous voules sans etre beaucoup remarqué. Et c'est la cause pourquoi les fourbes parviennent plustot que les honnetes gens. J'ecris ces dernieres lignes ce 20. d'Aout. Hier le jour etoit un peu long et je crains encore quelques uns de la meme façon. J'ai acheté de beaux modeles d'ecriture gravés en taille douce pour former mes caracteres [340] qui ne sont pas encore trop bien. Ce ne sera que pour t'ecrire et pour te dire en lettres bien peintes ce que je t'ai dit tant de fois et que je te dirai toujours. Adieu ma chere souviens toi de ton ami dans ta retraite comme il existe pour toi dans le monde. Je suis bien sur que je te pourrai amuser par mes recits quand ie reviendrai.

Adieu. Je n'espere plus de tes nouvelles mais tu auras des miennes. Je te prie de saluer notre cher Fritz ie lui ecrirai par le courier prochain. Adieu. Adieu.

G.

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TextGrid Repository (2012). Goethe: Briefe. 1784. An Charlotte von Stein. Digitale Bibliothek. TextGrid. https://hdl.handle.net/11858/00-1734-0000-0006-8ADD-9