6/1973.

An Charlotte von Stein

[Brunswic] ce 28. d'Aout. 1784.

J'ai commencé mon jour de naissance au bal, ou j'ai dansé beaucoup sans le moindre interet. Ce matin j'ai dormi longtems, et a mon reveil mon coeur fut attristé de se trouver si loin de tout ce qui lui est le plus cher. Ce ne sera pas un jour de fete comme l'annee passee, je le passerai a la cour, a la table de jeu, que j'aurois souhaitté de le celebrer parmi les prés, les rochers et les bois.

Bientot il sera tems que nous nous en allons, j'attends ce mecredi avec impatience, les objets perdent tous les jours de leur nouveauté et mon ame commence a s'appesantir. Je ne suis pas asses habile pour cacher a la societé ce manque d'interet quoique je fasse mon possible, et les femmes surtout sont asses clairvoyantes pour sentir qu'elles ne me sont rien et que je ne veux ne leur rien etre. Avec les hommes il va un peu mieux mais cela ne pourra durer. J'ai [347] vu ce qu'il y a a voir, I'opera meme me fait peu de plaisir, la composition est tres belle mais il manque a l'execution un certain ensemble qui seul peut fair du plaisir.


ce 29. d'Aout.

Hier je n'avois q'un seul souhait et c'etoit de recevoir une lettre de toi, j'en avois deja perdu toute esperance lorsque retournaut du soupé je trouvai un paquet qui en renfermoit une. Je ne pouvois finir mon jour plus heureusement. Si tu m'avois envoyé ton iournal mon bonheur auroit eté au comble. Ces douces expressions des sentiments de ton coeur me faisoit revivre, car peu a peu mon existence se glace entierement. Cependant je voudrois rester plus longtems, pour voir les choses de plus pres, pour connoitre un peu plus les ressorts de cette machine.

Si l'originalité est bonne a tout elle est plus necessaire pour la condouite de l'oeconomie politique que pour toute autre chose. Nous pouvons apprendre des autres des details, nous pouvons imiter des formes, mais il faut que nous sachions par nous meme former un ensemble.

L'Opera d'hier etoit charmant, et bien executé, c'etoit la Scuola de Gelosi, Musique de Salieri, opera favori du public, et le public a raison. Il y a une richesse, une varieté etonnantes, et le tout est traité avec un gout tres delicat. Mon coeur t'appelloit a chaque air, surtout au finales et au quintets qui sont [348] admirables. Je t'enverrai le Texte, il t'amusera peutetre, quoique ce ne soit que le scelete d'un tres beau corps.

Comme je destine cette lettre a etre portee par Stein je puis parler un peu plus ouvertement car j'usqu'ici j'ai toujours evité de dire trop dans mes lettres, de crainte qu'on ne les ouvrit, car on peut attendre tout d'un Prince qui est politique comme le Duc de Brunswic.

Il a tres bien traité notre Duc, ils ont eu plusieurs conferences, ou il a eté asses ouvert, il paroit estimer son neveu, et vraiment un grand Seigneur qui a la tete bien placée et qui communement voit ses semblables etre plus que betes, doit etre tres surpris de trouver un parent qui a plus que le sens commun. Les courtisans parlent asses librement de leur maitre et d'apres ce qu'ils disent je puis me former une idée asses claire de cet etre singulier; mais ils conviennent tous que son but est grande et beau, qu'il ne se trompe pas dans les moyens et qu'il est ferme et consequent dans l'execution voila tout ce qu'on peut dire pour definir un grand homme, s'il on ose nommer graud un etre si borné en tout sens.

La Hartfeld est assurement la personne du sexe la plus interessante qui soit ici. Il seroit difficile de faire une description de sa figure ou de definir ce qui la rend aimable, et c'est justement pour cela que je crois qu'elle a pu fixer un Prince inconstant.

[349] Du reste la conduite du Duc envers tout le monde surtout envers les gens riches qu'il attire a sa cour est incomparable, il connoit parfaitement combien il est aisé de satisfaire la petite vanité des hommes, il sait flatter chacun a sa façon, il employe les maris, il amuse les femmes, et les personnes les plus petries d'amour propre lui paroissent etre les plus desirables, enfin c'est un oiseleur qui connoit ses oiseaux et qui avec peu de peine et de frais est sur d'en prendre tous les jours.

Je te parlerai au long de sa conduite envers moi, dont il faut que je te racconte l'histoire suivie.


ce 30.

Apresdemain matin on partira surement et cette lettre ira te chercher dans ta retraite. Il faut que tu sentes combien je suis a toi, combien je desire de te revoir. Non mon amour pour toi n'est plus une passion c'est une maladie, une maladie qui m'est plus chere que la santé la plus parfaite, et dont je ne veux pas guerir.

J'ai ecrit de nouveau quelques versets du poeme qui m'est une grande ressource quand je suis loin de toi, que j'aurai du plaisir si tu en es contente, car c'est pour toi que je le compose, le peu de mots que tu m'en dis dans ta derniere lettre m'ont fait une joie infinie.

Dailleurs tout va bien ici, ce qui etoit le but [350] serieux de notre voyage a parfaitement bien reussi. C'est un secret que je te confie car tout le monde croit surement que nous ne sommes venus que pour nous amuser.

Nous retournerons d'ici a Goslar pour voir les mines, de la nous monterons peut etre le Brocken pour descendre de l'autre coté par un detour vers Halberstadt. Le Duc ira a Dessau ie resterai encore quelques jours avec Krause entre les rochers du Rosstrapp, de la j'irai voir la fee de Langenstein dont tu ne seras pas jalouse et je retournerai bien vite a tes pieds. Oui ma chere quand je sens bien vivement le bonheur de vivre avec toi, l'eloignement me devient tout a fait insupportable.

Je n'ai d'autre souhait que de te plaire, de te rendre heureuse autant qu'il est en mon pouvoir, d'etre tous les jours plus digne de ta tendresse, car pour le reste de mon existence la fortune me veut tant de bien que je ne puis pas meme profiter de tout ce qu'elle m'offre.

J'ai fait beaucoup de reflections sur moi et sur les autres peutetre en ai je fait trop. Quoiqu'il en soit tu sauras tout a mon retour, et j'ai le plus grand besoin de te revoir car depuis que je suis parti, ie ne me souviens presque pas d'un moment d'entiere confiance avec qui que ce soit.

Stein te raccontera nos avantures a sa façon et si je te les racconte a la mienne tu pourras mieux juger.

[351] Si apres avoir recu cette lettre tu veux d'abord m'envoyer un expres a Alstaedt tu me feras un grand bien. Il faudroit joindre a une lettre plus longue que celles que j'ai eu j'usqu'ici, le journal, qui apres une si longue absence me fera revivre en me rapprochant de toi. Je te prie de le faire, ie te supplie par tout ce que l'amour a le plus cher. Je crains de ne pas pouvoir arriver a Weimar avant le 15. de ce mois, l'esperance de t'y trouver me soutient dans mon exil.


ce 31.

Enfin il faut que je finisse de te parler en lettres lisibles, mon coeur qui te parle nuit et jour ne se taira pas, je suis persuadé que le tien fera dememe et cela addoucit les peines de l'absence. Je serais encore plus heureux si j'etois bien sur que tu te portes bien, que tu ne sens plus les maux de dents. Adieu! J'ai eté tres bien tout ce tems la, excepté que l'irregularité de la diète m'a quelques fois mis mal a mon aise. Graces au ciel nous n'avons que deux repas encore a surmonter, et demain les plus beau rochers nous dedomageront de toute la gene que nous avons senti jusqu'a present. Adieu. Si mes recherches le permettent je tacherai d'ecrire encore a mon poeme, je voudrois pouvoir tout pour te faire du plaisir et je ne pourrois jamais cesser d'etre ton debiteur.

Adieu encore une fois ma douce mon adorable amie.

G. [352]

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Zitationsvorschlag für dieses Objekt
TextGrid Repository (2012). Goethe: Briefe. 1784. An Charlotte von Stein. Digitale Bibliothek. TextGrid. https://hdl.handle.net/11858/00-1734-0000-0006-88A5-4